Cas pratiques de clients du cabinet de Caroline Yadan Pesah, avocate en droit de la famille.

♀️ ♂️ Lorsque je reçois Claude, j’ai beaucoup de difficulté à distinguer s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Je lui demande donc en toute franchise si je dois l’appeler Monsieur ou Madame. Il m’indique alors que bien qu’il soit né femme, il s’est toujours (re)senti homme et qu’il est, depuis plusieurs mois, en cours de transformation physique.

Ce changement implique un bouleversement dans sa vie personnelle, puisque son époux souhaite divorcer de « celui » qu’il ne reconnaît plus… Par ailleurs, sa carte d’identité n’est plus en conformité avec son apparence physique, et son état civil mentionne toujours qu’il est de sexe féminin.

? Il vient donc me consulter pour divorcer et pour faire modifier son état civil sur son extrait d’acte de naissance. Il soulève ce qui lui apparaît comme une difficulté insurmontable : il n’a subi pour l’heure, aucune opération chirurgicale, son traitement n’étant que hormonal et son sexe de femme pour le moment inchangé.

✅ Je rassure Claude : la loi n’exige plus, comme auparavant, d’avoir subi une transformation chirurgicale radicale pour obtenir son changement de sexe à l’état civil.

Le changement d’état civil des transsexuels a été en effet facilité par l’adoption de la Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016.
Son article 56-II encadre les modalités de la rectification de la mention du sexe à l’état civil, qui, jusqu’en 2016, faisait uniquement l’objet d’une jurisprudence, qui exigeait, à tout le moins une expertise judiciaire et/ou une opération chirurgicale.

Désormais, une personne majeure ou mineure émancipée « qui démontre que la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente » peut dorénavant changer son prénom et la mention de son sexe sur ses papiers d’identité. Et ce, sans avoir « à justifier de traitements médicaux, opération chirurgicale ou stérilisation ».

Claude, qui est rassuré sur ce point, va pouvoir se consacrer à son divorce, que je lui propose d’envisager sereinement grâce à la mise en place d’une médiation familiale.
Son époux aura, sans aucun doute, la volonté d’exprimer ses sentiments et son ressenti face à cette situation peu commune…

? Lorsque Jean-Yves est venu me consulter la première fois, il dissimulait une immense souffrance.
Ce n’est qu’après plusieurs rendez-vous et échanges qu’il m’a avoué l’origine de son mal-être et de sa détresse : Jean-Yves est maltraité par son épouse, à la fois psychologiquement et physiquement, depuis de nombreuses années.
Elle le frappe régulièrement, elle lui a cassé le nez récemment, elle le réveille la nuit pour l’empêcher de dormir, elle lui crache dessus, elle le gifle quasi quotidiennement, elle l’insulte et hurle, elle l’humilie, le rabaisse sans arrêt et lui dit qu’il ne sert à rien.

Il a honte. Il a peur.
Honte de se décrire comme une victime qui n’a plus aucune confiance en lui.
Honte parce qu’un homme, dans l’imaginaire collectif, est fort et n’est pas une victime de sa femme.
Honte parce qu’il n’arrive pas à se sortir de cette relation malveillante et destructrice.
Honte de sa faiblesse.
Peur des représailles.
Peur de briser un tabou.

✅ Je rassure mon client : non, ce qu’il subit quotidiennement n’est pas normal et oui, il a le droit de le clamer haut et fort et de demander réparation. Je l’invite à déposer plainte afin notamment que soit reconnu son statut de victime.

Contrairement aux idées reçues les hommes subissent également des mauvais traitements au sein de leur couple.

? Selon l’enquête cadre de vie et sécurité (CVS) de l’Insee de 2019, plus du quart – 28 % – des victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles autodéclarées sont des hommes. Soit 82 000 victimes par an, en moyenne sur la période 2011-2018.
Durant l’année 2018, 28 hommes ont été tues par leur conjointe.
Ces proportions n’ont donc rien de marginales.

? La violence faite aux hommes ne doit plus être un sujet tabou.

Des mesures peuvent être prises pour protéger la victime de violences et ce, quel que soit son sexe : numéro vert, éloignement du conjoint, ordonnance de protection, bracelet anti rapprochement, téléphone grand danger.
Même s’il est long et difficile, le retour à une vie normale est possible.

Une seule chose à faire, toujours : briser ce tabou et en parler.

Divorce et souvenirs : au moment du divorce, que deviennent les photos de la famille conservées par la mère et réclamées par le père ?

? Estelle qui me confie son dossier de divorce est en très grande souffrance. Trois ans après sa séparation elle ne pardonne toujours pas à son mari, Gérard, de l’avoir abandonnée après 28 ans de mariage et d’être parti vivre avec sa maîtresse.

?‍?‍?‍? Gérard réclame la copie digitale des photos de famille.

Or Estelle annonce que cela est impossible car elle a tout effacé au moment de la séparation !
Elle explique que regarder ces photos était devenu trop douloureux pour elle, que de toute façon c’est elle qui les a prises et que son ex Gérard ne les regardait jamais.

? Évidemment Gérard ne comprend pas ce refus et cette disparition qui lui apparaît inacceptable. Peu importe les conséquences du divorce, le sort des biens, les aspects financiers, ce dossier se cristallise autour des photos disparues…

Nous tentons avec mon confrère, heureusement formée, elle aussi, en modes amiables de règlement des différends, de trouver une issue qui permette de débloquer la situation.

? Je demande à Estelle s’il existe, au-delà des photos numériques, des albums papiers.
Bingo !

? Elle me répond affirmativement et accepte de remettre à son époux les photos sur lesquelles il apparaît avec leurs enfants (aujourd’hui majeurs et indépendants).

? Nous pouvons enfin reprendre les discussions constructives avec mon confrère sur les nombreux autres aspects de ce divorce.

✅ Moralité : ayez toujours sur votre ordinateur la copie de toutes vos photos de famille avant qu’elle ne disparaissent !

⚠️ J’ai reçu hier une cliente qui a divorcé par consentement mutuel, donc par acte sous seing privé d’avocats.
Les avocats qui ont rédigé la convention de leur divorce ne pratiquent pas de manière habituelle le droit de la famille : plusieurs erreurs et oublis figurent dans l’acte.

1️⃣ Concernant les droits de visite et d’hébergement du père, il est simplement indiqué que celui-ci prendra ses enfants « un week-end sur deux » mais sans préciser les semaines paires et impaires du calendrier, ce qui signifie que les parents n’ont pas de repère temporal précis. Par voie de conséquence, si la mère refuse que le père exerce son droit de visite pendant un week-end, le père n’aura aucun moyen de faire exécuter cette convention.

2️⃣ Il est aussi spécifié que le père prendra les enfants « un jour de semaine de son choix, en prévenant la mère 24h à l’avance ». Aucun jour n’étant donc précisé, cette organisation est source de stress intense pour la mère qui dépend de l’emploi du temps de son ex-époux.

3️⃣ Enfin, la date des effets du divorce, c’est-à-dire la date à laquelle les calculs sont arrêtés entre les époux, ne correspond pas à celle qui figure sur l’acte liquidatif notarié qui a été signé plusieurs mois avant la convention de divorce. Le décalage de signature et l’erreur de date provoquent un nouveau conflit entre les époux déjà divorcés, le mari réclamant à sa femme le remboursement de sommes qu’il lui a versées durant la période située entre la signature de l’acte liquidatif notarié et la signature de la convention de divorce.

Il n’est malheureusement pas rare que je sois saisie de ce type de difficultés.

✅ Je propose à ma cliente d’inviter son ex-époux à mettre en place une médiation familiale qui leur permettra de clarifier les points nécessaires pour l’avenir et de créer une relation plus sereine notamment dans l’intérêt de leurs enfants.

A défaut d’acceptation du père, elle n’aura d’autre choix que de saisir le juge…

? Cette affaire illustre bien l’importance de s’entourer de professionnels du droit spécialistes en leur matière, en particulier pour les divorces par consentement mutuel pour lesquels aucun juge n’intervient.

❓ Comment réagir face au refus de vaccination de l’autre parent vis à vis de son enfant ? J’ai récemment été saisi d’un dossier très délicat. Jean-Paul est père d’une adolescente de 15 ans qui souffre d’obésité morbide.

?‍⚕️? Il veut impérativement qu’elle se fasse vacciner contre le Covid19 non seulement parce qu’il estime que c’est agir dans l’intérêt général mais aussi et surtout parce qu’il est démontré scientifiquement que l’obésité augmente considérablement le risque de mortalité due à cette pathologie.

⛔ Or, son ex épouse, mère de sa fille, est viscéralement opposée à toute vaccination, que ce soit pour elle ou pour sa fille. Elle estime que le recul afférent au vaccin n’est pas suffisant et que c’est faire prendre un risque inutile à son enfant.

? Jean-Paul se sent totalement démuni face à cette situation.

? Je lui indique qu’il s’agit en l’espèce d’une problématique liée à l’autorité parentale et qu’un enfant mineur ne peut effectivement se faire vacciner qu’à la condition que ses deux parents, qui partagent cette autorité parentale y consentent.

?‍⚖️ Il existe cependant un moyen d’agir rapidement afin de faire vacciner son enfant : la saisine à bref délai du juge aux affaires familiales qui a le pouvoir d’ordonner des mesures relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale et notamment la vaccination s’il estime que celle-ci est dans l’intérêt de l’enfant mineur.

⚖ Cela étant, la décision du juge reste toujours aléatoire : il suffit que le dossier soit instruit par un juge particulièrement « antivax » pour que son action judiciaire n’aboutisse pas, au moins à court terme.

Cette saisine judiciaire peut donc s’avérer inefficace et source de tensions encore plus importantes entre les deux parents qui ne se font plus confiance.

? C’est pourquoi je conseille à mon client de se tourner, au moins dans un premier temps, vers un mode alternatif de résolution de son différend : la médiation familiale.

? Cette médiation pourra permettre à chacun des parents d’exprimer ses craintes, ses ressentis mais aussi pourquoi pas, d’entendre leur fille dans le cadre d’une co médiation. Après tout, elle a sans doute aussi son mot à dire, notamment sur le conflit de loyauté qui doit être le sien.

✅ La situation sanitaire sans précédent que nous continuons de vivre doit aussi être l’occasion de reprendre une communication pérenne, indispensable pour que la famille puisse cesser de s’affronter sur l’essentiel.

Toute vérité est-elle bonne à dire en matière d’adultère ? Feydeau aurait pu s’inspirer de mes dossiers…
J’ai récemment eu à connaître d’un chassé-croisé de séparations pas banal :

1. Mon client a été contacté par le témoin, et « meilleure amie », de son épouse, qui lui a appris que sa femme le trompait depuis plus d’un an et qu’il était « impératif » qu’il le sache. Cette information dévastatrice a conduit à la séparation des époux.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

2. En effet, quelque temps plus tard, Madame a demandé à mon client (son ex, donc) d’appeler l’épouse de son nouvel amant (!) pour vérifier ses dires : il lui avait affirmé qu’il était en procédure de divorce. Bon prince, Monsieur s’exécute… et il s’avère que l’épouse de l’amant n’était pas au courant de la relation adultérine. Cette nouvelle divulgation a conduit à une séparation des (autres) époux !

Je conseille à mon client de poursuivre aimablement la procédure de divorce et ce, quelles que soient les révélations adultérines des uns et des autres.

Les blessures auxquelles ces divulgations conduisent ne doivent pas dicter la suite judiciaire qui peut s’avérer source de souffrances supplémentaires totalement inutiles.

Au-delà de ce dossier, à votre avis, toute vérité est-elle bonne à dire ?

J’ai récemment été saisie d’un dossier de divorce pour un client accusé par son épouse d’entretenir des relations qualifiées d’« incestueuses » : selon elle, mon client de 55 ans et sa nièce seraient amoureux.

Sauf que ladite nièce est âgée de 24 ans et nie tout rapport «répréhensible», voyant plutôt dans ces accusations une vengeance de sa tante contre son mari.

Mon client m’indique de son côté que la nièce de madame et lui ressentent effectivement quelque chose l’un pour l’autre, mais qu’ils n’ont jamais « franchi le pas ».

Leur fille de 16 ans, qui les voit se déchirer et se disputer sa garde, subit les conséquences malheureuses du climat délétère entre ses parents.

Je me suis donc rapprochée de mon confrère pour tenter de lui faire admettre que personne n’a intérêt à remuer cette histoire, source de haine. Dans l’intérêt de l’adolescente, nous pourrions plutôt envisager une médiation familiale, laquelle permettrait dans une confidentialité absolue, de faire état du ressenti de chacun.

Au-delà de ce dossier, peut-on considérer comme « répréhensible » une relation amoureuse d’un homme de 55 ans avec une femme de 24 ans, de surcroît issue de la famille de son ex épouse ?

Selon vous, où se situe la frontière entre la morale et le droit, entre la liberté et la morale ?

? J’ai été récemment saisie de deux dossiers relatifs à des couples qui s’étaient rencontrés sur un site de coparentalité. L’objectif de ces sites est de trouver un partenaire pour procréer. Les futurs parents peuvent choisir ou non de se marier…

1️⃣ Dans un premier dossier le couple s’est marié et a décidé de divorcer très rapidement avant d’avoir conçu un enfant.
2️⃣ Dans le deuxième dossier, le couple ne s’est pas marié, il a eu des jumeaux et se déchire maintenant pour leur garde.

? Je tente, comme à mon habitude, de proposer à ma cliente et à mon confrère un mode de règlement amiable de ce conflit, afin que ce ne soit pas les enfants qui subissent les conséquences néfastes de la mésentente de leurs parents.

Quand je repense à ces dossiers, plusieurs questions me viennent :

– l’évolution de la société passe-t-elle obligatoirement par ce type de site ?
– s’agit-il d’un réel progrès ?
– un enfant ne doit il pas être conçu dans l’amour parental ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Rapports sexuels, devoir conjugal ?

Les époux se doivent fidélité, secours et assistance. Ils s’obligent également, selon le Code Civil, à avoir une « communauté de vie », ce qui signifie notamment une communauté de lit, qui implique l’existence de relations sexuelles.

Une femme de 66 ans vient de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme, suite au prononcé de son divorce à ses torts exclusifs, parce qu’elle avait refusé toute relation intime avec son époux durant 8 ans.

Cette décision n’est pas nouvelle : en 2011, une épouse avait obtenu 10 000 euros de dommages et intérêts parce que son mari s’était refusé à elle pendant 5 ans !

Alors même que l’interdiction du viol entre conjoints est consacrée dans le Code Pénal, comment peut-on encore considérer l’existence d’une exécution forcée du devoir conjugal, qui date de l’Ancien Régime ?

En d’autres termes, on n’a pas le droit de forcer l’autre à une relation sexuelle, mais si on ne se force pas on commet une faute ?!

Remplir son devoir conjugal par obligation juridique et non par amour relève d’un schéma quelque peu dépassé, non ?

N’est-il pas temps que la Cour de Cassation évolue après 200 ans de jurisprudence constante, et envisage la suppression de ce devoir conjugal ?

Qu’en pensez-vous ?

Je rencontre beaucoup de femmes qui m’indiquent que c’est paradoxalement au moment du divorce que leurs époux découvrent les notions de famille et de paternité ! ?

? Ces pères, qui ne s’étaient jamais véritablement investis dans le quotidien de leurs enfants, se déclarent « papa poule », modifient radicalement leur comportement vis à vis des enfants, et sollicitent même parfois la résidence alternée… au grand dam des mères qui n’envisagent pas une séparation avec leur progéniture une semaine sur deux.

Même si ce n’est pas facile, dans ce contexte du « retour du père », je conseille de prendre de la hauteur et de cesser de considérer le père des enfants comme un adversaire ou un ennemi.

? Lors d’un divorce, l’angoisse d’un homme est justement de perdre définitivement sa place et son statut auprès de ses enfants : cette peur s’accompagne souvent d’une prise de conscience bénéfique, qui lui permet d’évoluer face à ces derniers et d’agir en parent responsable et compétent.

✅ C’est pourquoi j’estime qu’il est si important, lors d’une séparation, de co-construire une nouvelle parentalité faite de respect mutuel pour éviter qu’un conflit de loyauté destructeur ne vienne saccager les enfants, porteurs de l’amour mais aussi de la haine de leurs parents.