J’ai récemment été saisie d’un dossier de divorce pour un client accusé par son épouse d’entretenir des relations qualifiées d’« incestueuses » : selon elle, mon client de 55 ans et sa nièce seraient amoureux.

Sauf que ladite nièce est âgée de 24 ans et nie tout rapport «répréhensible», voyant plutôt dans ces accusations une vengeance de sa tante contre son mari.

Mon client m’indique de son côté que la nièce de madame et lui ressentent effectivement quelque chose l’un pour l’autre, mais qu’ils n’ont jamais « franchi le pas ».

Leur fille de 16 ans, qui les voit se déchirer et se disputer sa garde, subit les conséquences malheureuses du climat délétère entre ses parents.

Je me suis donc rapprochée de mon confrère pour tenter de lui faire admettre que personne n’a intérêt à remuer cette histoire, source de haine. Dans l’intérêt de l’adolescente, nous pourrions plutôt envisager une médiation familiale, laquelle permettrait dans une confidentialité absolue, de faire état du ressenti de chacun.

Au-delà de ce dossier, peut-on considérer comme « répréhensible » une relation amoureuse d’un homme de 55 ans avec une femme de 24 ans, de surcroît issue de la famille de son ex épouse ?

Selon vous, où se situe la frontière entre la morale et le droit, entre la liberté et la morale ?

Parce que seul un divorce par consentement mutuel permet de se séparer sans y laisser des plumes, je vous présente aujourd’hui le processus collaboratif, une solution originale et méconnue pour un divorce apaisé !

Le processus collaboratif : une méthode innovante et efficace pour (r)établir un dialogue familial raisonné

Depuis la réforme de 2017, un divorce sur deux (1) se déroule « à l’amiable », c’est à dire par consentement mutuel, sans l’intervention du juge. Compte tenu de l’aléa judiciaire, c’est un progrès. Mais, alors que le couple se sépare, voire se déchire, comment parvenir à s’entendre sur les conséquences du divorce ?

Pour réussir un tel compromis, je conseille à mes clients d’envisager le processus collaboratif, qui reste encore méconnu dans le grand public.

Divorcer par consentement mutuel suppose des compromis

Rappelons que jusqu’en 2017, le juge devait être obligatoirement saisi en cas de divorce. La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 2016, entrée en vigueur début 2017, a confié l’ensemble des divorces par consentement mutuel aux avocats des époux et au notaire (sauf si un enfant souhaite être auditionné). 

C’est la raison pour laquelle le nombre de divorces par consentement mutuel devant le juge a chuté, au point qu’en 2018, seul 300 divorces de ce type étaient passés devant les tribunaux, contre 33 500 en 2017 (1).

La plupart des couples préfèrent éviter le passage devant un juge, dont la décision sera aléatoire et ne rétablira pas le dialogue entre les parties.

Encore faut-il parvenir à ce consentement mutuel ! D’où l’importance grandissante pour les avocats de rechercher un compromis entre les époux afin d’obtenir une solution pour qu’ils divorcent de manière apaisée : c’est précisément ce que permet le processus collaboratif.

Passons maintenant en revue les contours, la procédure, et les multiples intérêts de ce processus novateur, particulièrement adapté dans le cadre d’une procédure de divorce ou pour n’importe quel autre litige familial.

Qu’est-ce que le processus collaboratif ?

Le processus collaboratif est un sous ensemble des différents modes amiables de résolution des conflits qui existent et qui sont la médiation, la conciliation, ou encore l’arbitrage.

Il fait partie de ces nouvelles voies offertes aux avocats pour régler les difficultés rencontrées par les parties. C’est un engagement pour les parties de négocier de manière transparente, de bonne foi et confidentielle, avant toute saisine d’un juge.

Cet engagement prend la forme d’un contrat de participation signé par les parties et leurs avocats respectifs.

Le processus collaboratif en droit de la famille

Appliqué au droit de la famille, le processus collaboratif me permet, en tant qu’avocate, d’inviter mes clients, qu’ils soient époux, partenaires pacsés ou concubins, à privilégier une négociation afin de parvenir à un accord pérenne plutôt que d’être confrontés à des décisions judiciaires parfois brutales ou improductives.

C’est le cas notamment en matière de divorce si les conjoints ne s’entendent plus et n’arrivent pas à communiquer de manière apaisée.

Mon objectif est d’humaniser, autant que possible, le règlement des conflits familiaux et de trouver un compromis entre les époux pour garantir à chacun d’entre eux une solution qui leur convienne et qui leur permette, s’il y a des enfants, de préserver leurs intérêts.

Médiation familiale et processus collaboratif, quelles différences ?

A la différence de la médiation familiale, il n’y a pas de médiateur intervenant dans le cadre d’un processus collaboratif : seules les parties au litige proposent des solutions.

Celles-ci construisent ainsi ensemble leur avenir, en présence de leurs avocats respectifs.

Le rôle des avocats est plus en retrait en médiation qu’en processus collaboratif :

  • en processus collaboratif, les avocats sont actifs et aident les parties à trouver une solution, en proposant, si besoin des options;
  • en médiation, les avocats permettent de formaliser les accords trouvés et d’aider les parties au litige si elles sont confrontées à une difficulté juridique, dans le cadre des apartés notamment.

En savoir plus sur la médiation familiale :

Une procédure singulière basée sur le partage, l’écoute et l’échange

Une fois le contrat signé, les époux ainsi que leurs avocats, vont se réunir au cours de trois à six séances pour trouver une solution pérenne au litige.

Chaque avocat pose des questions, éclaire son client et amène les époux à proposer eux-mêmes des solutions en confrontant leurs intérêts et leur façon de voir le divorce et ses conséquences.

Les séances ont en outre pour objectif d’échanger des informations objectives, préciser les priorités des époux, ou encore faire l’inventaire des points de désaccord inquiétant les parties. À cette fin, je suis toujours très attentive à ce que chacun puisse avoir le temps d’exprimer ses besoins et son ressenti sur le litige, car il est à mon sens primordial de rétablir un dialogue raisonné.

Un tiers expert (psychologue, notaire…), soumis à la confidentialité, peut également être sollicité pour aider les parties dans leur prise de décision.

Le processus collaboratif au service d’un compromis apaisé et durable

1. Un processus conduit dans un climat apaisé : les négociations se déroulent dans un cadre structuré et sans la menace d’une saisine judiciaire puisque les parties se sont engagées à ne pas faire intervenir un juge. Les parties peuvent ainsi s’exprimer sur les causes réelles de leur différend et présenter leurs préoccupations en toute transparence et honnêteté, valeur essentielle que je conseille à mes clients, pour permettre de trouver une solution satisfaisante sur le long terme.

2. Un engagement qui dépasse les seules parties au litige : les avocats sont autant engagés que leurs clients puisqu’ils acceptent contractuellement de ne pas les défendre en cas de contentieux ultérieurs. Autrement dit, il vous sera nécessaire de prendre un autre avocat si le processus collaboratif n’aboutit pas. L’objectif est que de cette manière, tous les intervenants ont un intérêt à ce que la négociation aboutisse : toutes les énergies sont mobilisées pour trouver un accord global, car l’avocat ne souhaite pas perdre un client, tandis que les parties n’auront pas besoin de mettre en place une nouvelle procédure avec un Conseil différent.

3. Les informations divulguées pendant le processus ne peuvent être utilisées en cas d’échec à l’occasion d’un procès.

4. L’époux se réapproprie la gestion et la résolution d’un litige relatif à sa vie privée : de ma pratique, je constate qu’il est souvent difficile pour un justiciable de se rendre au tribunal car il doit exposer à des personnes qu’il n’a jamais vues (juges, greffiers) une partie intime de sa vie. Grâce au processus collaboratif, seules les personnes qui auront été choisies, à savoir les avocats et éventuels tiers experts, seront informées du litige concerné.

5. Le processus collaboratif est un moyen privilégié pour éviter, en amont et en aval, des procédures judiciaires longues, couteuses et déstabilisantes pour l’ensemble de la famille.

La formation des avocats au processus collaboratif

Étant attachée aux procédures amiables, j’ai été personnellement formée au processus collaboratif et à la médiation par l’intermédiaire de l’Institut du droit de la famille et du patrimoine (Ifomène).

Cette formation est essentielle pour pouvoir s’appuyer sur des méthodes d’écoute active, de reformulation et de négociation propres à faciliter l’échange entre les parties.

La fin du processus collaboratif

À l’issue du processus, deux hypothèses sont possibles :

Soit vous parvenez à trouver un accord : dans ce cas, les parties au litige familial pourront demander l’homologation de l’accord devant le juge aux affaires familiales, étant précisé qu’une homologation ne permet pas au juge de modifier l’accord, mais vise seulement à vérifier que le compromis trouvé ne lèse pas de façon démesurée une des parties, ou un enfant par exemple.

Soit vous ne parvenez pas à trouver un accord : les parties peuvent alors saisir le juge aux affaires familiales. Néanmoins, les avocats auront, comme indiqué précédemment, l’obligation de se retirer de votre défense. Il vous faudra alors trouver de nouveaux conseils pour la suite de la procédure judiciaire.

 

Besoin d’aide ?

Êtes-vous concerné et avez-vous besoin d’aide ?

Contactez-moi pour examiner votre situation personnelle.

Maître Caroline Yadan Pesah,
Avocate en Droit de la Famille et Affaires familiales à Paris

 

 

[1] Divorces prononcés par un juge en France : baisse continue depuis la réforme. Les divorces par consentement mutuel enregistrés par les notaires depuis 2017 n’y figurent pas.

Divorces prononcés par un juge Année du jugement
2000 2005 2010 2015 2016 2017 2018
Nombre de divorces 116 700 155 300 133 900 123 700 128 000 90 600 62 300

Note : jusqu’en 2016, les divorces étaient des décisions de justice prononcées par un juge aux affaires familiales. À partir de 2017, suite à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les procédures de divorces peuvent également être enregistrées par un notaire. Celles-ci ne figurent pas dans les statistiques présentées ci-dessus. Les données relatives à 2017 et 2018 ne sont donc pas strictement comparables aux données des années précédentes.

Source : INSEE, étude « Mariages PACS Divorces » du 27 février 2020. 

? J’ai été récemment saisie de deux dossiers relatifs à des couples qui s’étaient rencontrés sur un site de coparentalité. L’objectif de ces sites est de trouver un partenaire pour procréer. Les futurs parents peuvent choisir ou non de se marier…

1️⃣ Dans un premier dossier le couple s’est marié et a décidé de divorcer très rapidement avant d’avoir conçu un enfant.
2️⃣ Dans le deuxième dossier, le couple ne s’est pas marié, il a eu des jumeaux et se déchire maintenant pour leur garde.

? Je tente, comme à mon habitude, de proposer à ma cliente et à mon confrère un mode de règlement amiable de ce conflit, afin que ce ne soit pas les enfants qui subissent les conséquences néfastes de la mésentente de leurs parents.

Quand je repense à ces dossiers, plusieurs questions me viennent :

– l’évolution de la société passe-t-elle obligatoirement par ce type de site ?
– s’agit-il d’un réel progrès ?
– un enfant ne doit il pas être conçu dans l’amour parental ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?