Déménagement après divorce ou séparation _ qui aura la garde des enfants _

Après une séparation ou un divorce, est-ce que le parent qui souhaite déménager avec les enfants peut le faire librement ? Quelles démarches doit-il suivre pour éviter de perdre la garde des enfants ? Et inversement, l’autre parent peut-il s’opposer à l’éloignement de ses enfants ?

Déménager avec ses enfants après une séparation ou un divorce

Chaque année 10% de la population française déménage. Dans 8 cas sur 10, le déménagement se fait à moins de 200 km, souvent dans les départements limitrophes. La moitié de ces déménagements ont pour cause des raisons personnelles, le rapprochement avec un nouveau conjoint, un divorce…

Or ces déménagements peuvent avoir d’importantes conséquences sur la structure familiale et les enfants. Notamment lorsque le parent qui a obtenu la garde de l’enfant suite à un divorce ou une séparation décide de déménager. Ce simple déplacement géographique peut alors remettre en question tout ce qui a été mis en place par le jugement à la séparation des parents.

En effet comment imaginer persister dans un système de garde alternée alors qu’un parent habite Paris et l’autre Toulouse ? Tout doit alors être remis à plat, si possible à l’amiable entre les parents et de préférence avec l’aval officiel du juge aux affaires familiales.

Démarches à suivre en cas de déménagement après une séparation ou un divorce

Quelles que soient les circonstances, le parent séparé qui veut déménager avec les enfants doit en informer l’autre parent. A défaut, cela peut lui faire perdre la garde des enfants.

Que faire si je souhaite déménager avec mes enfants ?

Si vous souhaiter déménager avec vos enfants dont vous avez la garde ou si une résidence alternée est en place, vous devez absolument avertir l’autre parent préalablement et en temps utile. [1]

En effet ce déménagement va entrainer de grands bouleversements dans le quotidien des enfants et va modifier les conditions d’exercice de l’autorité parentale. Ainsi il faut avertir l’autre parent afin de trouver un nouvel accord, notamment sur le droit de visite et d’hébergement.

Si vous arrivez à vous entendre à l’amiable pour l’adaptation de la résidence des enfants, du droit de visite et d’hébergement, de la révision de la pension et des frais de transport, vous n’êtes pas obligés de repasser devant le Juge aux affaires familiales.

Cependant, pour plus de sécurité pour le futur, il est fortement recommandé de saisir tout de même le juge aux affaires familiales (du Tribunal de grande instance du domicile des enfants) afin qu’il entérine votre accord, En effet une fois l’accord enregistré par le juge, il devient incontestable par les parties.

A défaut d’accord, saisissez au plus vite le juge aux affaires familiales que se décidera selon les circonstances du déménagement et l’intérêt de l’enfant, comme exposé ci-dessous.

Médiation préalable obligatoire dans certaines villes

Depuis la loi du 18 novembre 2016 et jusqu’au 31 décembre 2019 et dans le cadre d’une expérimentation, le recours à la médiation est obligatoire dans certains tribunaux sous peine d’irrecevabilité de la demande par le juge.

Les villes concernées sont :

  • Bayonne,
  • Bordeaux,
  • Cherbourg-en-Cotentin,
  • Evry,
  • Nantes,
  • Nîmes,
  • Montpellier,
  • Pontoise,
  • Rennes,
  • Saint-Denis
  • Tours.

Il existe cependant des dérogations à cette obligation à savoir :

  • si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention,
  • si l’absence de recours à la médiation est justifié par un motif légitime : par exemple si l’enfant a déjà déménagé.
  • si des violences ont été commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant.

Que faire si je souhaite m’opposer au déménagement de mes enfants ?

Si aucun accord amiable n’est possible avec le parent déménageant, il n’existe qu’un seul recours, la saisine du juge aux affaires familiales, le plus rapidement possible, afin qu’il rende une décision au plus tôt ce qui augmentera vos chances de succès.

Le recours à la médiation obligatoire, exposé dans le paragraphe précédent, reste valable dans les tribunaux concernés.

Que faire si le parent qui a la garde de mes enfants déménage sans me prévenir ?

Si le parent qui a la garde de vos enfants déménage sans vous informer dans un délai d’un mois après ce déménagement, sachez tout d’abord que vous disposez d’un recours pénal. Et que ce parent peut donc être condamné à six mois d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende [2]

Mais en plus de ce recours pénal, il y a bien évidemment un recours devant le Juge aux affaires familiales. Vous devez alors le saisir le plus rapidement possible car si l’enfant a déménagé depuis trop longtemps et a eu le temps de prendre ses habitudes de vie, le juge refusera de perturber de nouveau son équilibre de vie.

Plus le temps passe et plus le juge estimera que l’intérêt de l’enfant n’est pas de redéménager en sens inverse…

Comment le juge décide de la garde des enfants en cas de déménagement ?

A défaut d’accord amiable entre les parents séparés, c’est le juge aux affaires familiales qui a alors les cartes en main. Afin de prendre sa décision il va s’intéresser aux circonstances du déménagement et prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Les Circonstances du Déménagement

Les causes du déménagement

Tout d’abord, il est important de rappeler que les parents se doivent de respecter les liens entre l’enfant et l’autre parent [3]. Ainsi le juge va d’abord vérifier que ce déménagement n’est pas issu de la simple volonté d’éloigner l’enfant car dans un tel cas le parent déménageant perdra la garde.

Ainsi lorsque le parent déménage sans attendre l’autorisation du juge aux affaires familiales, éloignant ainsi brutalement l’enfant, cela est considéré comme un manque de respect des droits de l’autre parent [4].

Pour accepter le déménagement, le juge va également apprécier les propositions d‘aménagements du droit de visite et d’hébergement du parent qui déménage pour permettre à l’enfant de conserver ses liens avec l’autre parent, tels que :

  • concéder la garde de l’enfant durant toute la durée des petites vacances scolaires
  • proposer d’amener l’enfant à mi-chemin
  • équiper l’enfant d’un forfait mobile pour qu’il puisse facilement communiquer avec l’autre parent.

Autre point auquel s’intéresse le juge : le déménagement est-il pour des raisons purement personnelles ou est-il professionnel ?

En effet, si le déménagement se fait pour une raison professionnelle, à savoir un déménagement, pour saisir une promotion ou une mutation, les juges seront plus enclins à accepter le déménagement des enfants. [5]

Cependant si le projet professionnel est jugé instable, ou qu’il consiste à une simple recherche d’emploi, le déménagement de l’enfant sera plus compliqué à obtenir. Il arrive cependant qu’il soit accordé.

Mais dans ce cas, si le déménagement avait comme objectif la recherche d’un emploi qui n’a pas aboutie le juge considère que ce déménagement n’intervenait pas selon l’intérêt de l’enfant et ordonne donc le retour de l’enfant chez le parent qui n’a pas déménagé.[6]

Le déménagement de l’enfant est également plus compliqué à obtenir si le nouvel emploi ou la nouvelle affectation n’imposait pas nécessairement un déménagement et qu’il s’agit donc d’un choix du parent de déménager.

Si la raison du déménagement est personnelle, à savoir un déménagement pour rejoindre un conjoint ou de la famille, les juges considèrent souvent que le parent qui déménage doit supporter les conséquences de son choix de vie. [7] Et ils refusent ainsi le déménagement de l’enfant et la garde sera alors attribuée au parent restant. [8]

Enfin, le déménagement peut être motivé par raisons psychologiques, dans un contexte de pressions psychologiques ou de violences physiques, exercées sur l’enfant ou le conjoint : dans un tel cas, il est évident pour le juge que ces circonstances joueront en faveur du parent déménageant qui souhaite se protéger et protéger son enfant.

Dans tous les cas, le juge vérifiera que cette nouvelle situation permet bien au parent déménageant de continuer de subvenir convenablement aux besoins de l’enfant.

Et si les nouvelles conditions de vie du parent permettent même à l’enfant de bénéficier d’un meilleur train de vie (car la vie est moins chère par exemple, ou l’appartement plus grand…), cela encouragera d’autant plus le juge à accepter ce déménagement.

Le délai d’information

Le juge s’intéresse aussi au délai d’information. Si ce délai est très court et laisse pas le temps à l’autre parent de se préparer ou pire que le déménagement est effectué sans avertir l’autre, le parent déménageant sera sanctionné par la perte de la garde de l’enfant.

La distance raisonnable du déménagement

Seul le déménagement à une distance raisonnable sera validé par le juge, par exemple un départ dans le Sud de la France ou bien encore en Belgique si vous habitez dans le nord de la France.
En effet, en cas de départ lointain, aux États-Unis par exemple, le juge refusera quasi systématiquement le déménagement des enfants, sauf si le parent restant n’est pas apte à subvenir à leurs besoins.

L’Intérêt supérieur de l’enfant

Le critère essentiel et primordial pris en compte par le juge afin de rendre sa décision est l’intérêt supérieur de l’enfant [9].

Audition de l’enfant

si l’enfant est en âge d’être auditionné, il lui demandera son avis sur ce déménagement et ce que lui souhaiterait faire.
Cependant sachez que le juge n’est pas tenu par la volonté de l’enfant et peut donc dans son intérêt agir à l’encontre de ce qu’il a demandé.

Le cadre de vie de l’enfant

Mais il va également prendre en compte le cadre de vie de l’enfant. A savoir ses habitudes, depuis combien de temps il vit avec ce parent qui souhait déménager, est-ce une résidence alternée…

En effet de la jurisprudence, lorsque c’est une garde alternée qui a été mise en place, l’enfant ayant des habitudes bien ancrée dans la région et étant soumis à une organisation très précise, la garde est souvent transférée au parent qui reste. L’enfant reste ainsi scolarisé dans la même école, conserve les mêmes amis…

Les relations familiales de l’enfant

Sont également pris en compte les relations qu’entretient l’enfant avec ses parents. Le juge examine alors la fréquence des visites, des échanges… Il peut également s’appuyer sur des attestations de proches ou de professeurs qui démontrent l’implication des parents dans la vie de l’enfant.

Enfin les frères et sœurs ne doivent pas être séparés. Ainsi les juges essaient d’assurer le maintien de la fratrie et le déménagement peut être refusé sur ce fondement. A savoir une conception large de la notion de fratrie est retenue et on y inclue ainsi le demi-frère
Ainsi dans un cas de déménagement de l’un des parents, la résidence de l’enfant a été fixée chez l’autre parent car il pouvait bénéficier, entre autres, de la présence de son demi-frère [10]

Conseils à retenir si vous souhaitez déménager et conserver la garde de l‘enfant

  1. ne déménagez pas sur un simple coup de tête.
  2. ne déménagez surtout pas dans le but d’éloigner l’enfant de l‘autre parent.
  3. Proposez des solutions afin que l’enfant conserve ses liens avec l’autre parent.
  4. évitez les déménagements pour de simples raisons personnelles.
  5. ayez un projet professionnel le plus sérieux possible démontrant la stabilité que vous apporterez.
  6. informez l’enfant de son droit d’être auditionné (en fonction de son âge).
  7. faites écrire des attestations par des proches témoignant de la relation entre votre enfant et vous.
  8. ayez bien conscience des conséquences engendrées par le déménagement sur l’enfant.
  9. respectez et agissez suivant son intérêt.
  10. notez bien que si une garde alternée est en place il sera plus difficile pour vous d’obtenir la garde.

Autres conséquences du déménagement après le divorce ou la séparation

Une fois que le juge a tranché sur le déménagement ou non de l’enfant, il doit également se prononcer sur d’autres points à savoir le droit de visite et d’hébergement du parent qui n’a pas obtenu la garde, l’adaptation si besoin du montant de la pension alimentaire et enfin la question des frais de déplacement.

Droit de visite et d’hébergement

Concernant le droit de visite et d’hébergement du parent qui n’a pas obtenu la garde, le juge va le fixer en fonction des mesures initialement décidées (s’il y a une décision de justice précédente) et de la distance.

Ainsi si la distance est courte le juge acceptera un droit de visite et d’hébergement un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. A contrario si la distance est longue, le juge réduira la fréquence des visites mais augmentera leur durée (la totalité de certaines vacances par exemple)

Contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants

*Sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, en cas de modification de résidence le bénéficiaire changera et si la résidence reste la même elle pourra être recalculée. Les critères pris en compte seront les revenus des parents et les nouveaux besoins s’il y a de l’enfant.

Prise en charge des frais de transport

*Enfin la prise en charge des frais de transport est un sujet délicat. Ils sont répartis en principe selon les revenus des parents. Cependant parfois le juge préfère que ce soit le parent déménageant qui les paye afin d‘assumer les conséquences de son choix. Il accepte également parfois de couper les frais en deux et enfin dans certains cas c’est le parent restant qui supporte la totalité des frais en raison de ses revenus.

Conclusion : une opération à risque

A défaut d’accord entre les parents le juge a une place importante dans la décision de détermination de la résidence de l’enfant. Mais l’appréciation se fait au cas par cas.

C’est pourquoi, il est donc difficile d’anticiper la décision du juge même si, comme vu précédemment, certains facteurs jouent plus ou moins en faveur du parent déménageant.

Pour les affaires traitées au cabinet de Maître Caroline Yadan Pesah, en cas de déménagement, Il ressort des décisions de justice que dans 50% des cas, le parent qui déménage perd la garde des enfants !

Quelles que soient les statistiques, dites vous bien le juge s’il doit se prononcer agira selon l’intérêt de l’enfant c’est donc à vous de démontrer pourquoi vous devez conserver ou obtenir la garde.

Besoin d’aide ?

Êtes vous dans une situation similaire et avez-vous besoin d’aide ?

Contactez-moi pour examiner votre situation personnelle.

Maître Caroline Yadan Pesah,
Avocate en Droit de la Famille et Affaires familiales à Paris 18e

 

Références : la loi et la jurisprudence

[1] Article 373-2 du Code civil
« La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale. Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. »

[2] Article 227-6 du Code pénal

[3] Article 373-2 du Code civil

[4] Cour d’Appel de Paris, Pôle 3, chambre 2, 10 mars 2015 n°13/1978

[5] Cour d’Appel de Caen, 3ème civ., 11 février 2016, n°15/03075 ; Cour d’Appel de Nancy, 10 juillet 2015, n°15/01053 ; Cour d’Appel d’Aix en Provence, 15 décembre 2015, n°15/05339

[6] Cour d’Appel de Besançon, Chambre civile 1, section B, 5 février 2010, n°159/10

[7]  Cour d’Appel de Paris, 10 septembre 2015, n°14/19555

[8] Cour d’Appel de Chambéry, 9 novembre 2015, n°15/14482

[9] Article 3 de la Convention universelle des droits de l’enfant

[10] Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, chambre 6 B, 3 févier 2015, n°2015/061