Garde alternée des enfants

 

Selon une étude Insee parue le 3 mars 2021, 480 000 enfants vivaient en garde alternée en 2020, soit 12% des 4 millions d’enfants mineurs de parents séparés : c’est plus du double par rapport à 2010 [1] et c’est dire le souhait grandissant des parents de privilégier ce mode de garde en cas de séparation.

Les parents qui se séparent et viennent me voir ont effectivement de plus en plus la volonté de mettre en place une résidence alternée pour leur enfant car ils estiment qu’elle est la meilleure façon de satisfaire à l’intérêt de celui-ci, tout en répondant à leurs désirs personnels de voir le plus régulièrement possible leur fils ou leur fille.

Qu’est-ce que la garde alternée ?

Instaurée par la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale, la résidence alternée signifie que les enfants, à la suite d’une séparation, résident alternativement chez l’un et chez l’autre des parents, qui partagent ainsi le temps de présence auprès d’eux de façon égale.

« La résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux » (art 373-2-9 du Code civil)

Le plus souvent, cette alternance se pratique sur une semaine, 15 jours, ou un mois.

En cas d’accord, les parents sont libres de fixer les modalités qui leur conviennent. Dans le cas contraire, c’est le juge aux affaires familiale qui prend la décision.

La résidence alternée se distingue de la garde exclusive en vertu de laquelle les parents ou le juge décident que les enfants auront leur résidence habituelle chez le père ou la mère, l’autre parent se voyant attribuer seulement un droit de visite et d’hébergement [2].

Aujourd’hui, si la garde alternée est de plus en plus demandée, faut-il pour autant toujours la privilégier pour satisfaire au désir des parents ?

Il convient de répondre par la négative à cette question.

C’est d’ailleurs en ce sens qu’une réponse ministérielle affirme dès 2008 que la résidence alternée « ne saurait être la conséquence d’une revendication purement égalitaire des droits entre le père et la mère au mépris de l’examen des situations individuelles et de la recherche des solutions les plus adaptés aux besoins des mineurs, et en particulier des très jeunes enfants. Dans la recherche de cet équilibre délicat, le seul critère qui doit être retenu est celui de l’intérêt de l’enfant » [3].

Ainsi, après avoir démontré les avantages et inconvénients de la résidence alternée, il sera opportun d’énoncer les critères précis sur lesquels s’appuie le juge pour prendre sa décision et de se demander sous quelles conditions ce mode de garde peut être par la suite remis en cause.

Les avantages de la résidence alternée

Un intérêt social

La résidence alternée présente des garanties propres à assurer aux enfants une vie équilibrée et épanouie car elle permet de maintenir des relations constantes et soutenues avec chacun des deux parents [4].

La résidence alternée permet un investissement commun des parents dans l’éducation scolaire de leur enfant : ces derniers peuvent plus facilement participer aux réunions avec les professeurs, aider quotidiennement aux devoirs ou encore aux révisions pour les examens.

La résidence alternée rend possible une gestion partagée des activités extra-scolaires de l’enfant par les deux parents : l’enfant pourra participer à différentes activités sportives, musicales ou associatives au côté de son père ou de sa mère.

Un intérêt financier

1. Une fiscalité avantageuse

Principe : La résidence alternée va entraîner le partage entre les parents du bénéfice de la majoration du quotient familial [5]. Les enfants sont en effet considérés comme étant à charge égale de l’un et l’autre parent.

Exceptions :

En cas d’accord, les parents peuvent opter pour un partage différent.

Si l’un des parents assume dans les faits la charge principale des enfants, malgré la mise en place de la résidence alternée, dans ce cas, le parent en question se verra attribuer intégralement la majoration du quotient familial [6]

2. L’octroi possible d’une pension alimentaire

Le choix de la résidence alternée n’empêche pas le versement par un parent à l’autre d’une pension alimentaire en cas de disparité de revenus [7].

3. Le partage commun des prestations familiales

La garde alternée a pour conséquence la répartition par moitié des allocations familiales entre les parents, sauf accord contraire.

Les inconvénients de la résidence alternée

Le risque d’un manque de stabilité

C’est une des raisons pour lesquelles la résidence alternée croit avec l’âge des enfants, elle est moins répandus avec des enfants en bas âge.

Chaque enfant est différent, et certains peuvent ne pas supporter le fait de ne pas être rattaché à un foyer principal. Il n’est en effet pas évident de devoir déménager ses affaires régulièrement.

Une coordination complexe

La nécessité d’une organisation rigoureuse

L’épanouissement de l’enfant suppose que les parents s’organisent en permanence pour que celui-ci puisse bénéficier de ses affaires personnelles et qu’il ne manque de rien. L’enfant doit ainsi pouvoir avoir à portée de mains ses affaires personnelles : vêtements, affaires scolaires, jouets préférés…

Le besoin d’une organisation apaisée

La résidence alternée suppose une entente a minima cordiale entre les parents qui doivent se retrouver régulièrement pour échanger sur les besoins et les attentes de leur enfant, notamment au moment de son changement de domicile, plus fréquent que dans une garde exclusive.

Quels critères retient le juge pour décider d’une garde alternée ?

En cas de conflit entre les parents, le juge aux affaires familiales doit trouver un équilibre entre les avantages et les inconvénients de chacun des modes de garde afin de déterminer lequel préserve au mieux l’intérêt de l’enfant [8].

L’admission conditionnée de la résidence alternée

Le juge vérifie différents critères pour savoir s’il doit privilégier la garde alternée à la garde exclusive :

  • Il doit exister une proximité entre les domiciles des parents (environ 30km maximum)[9].
  • Les parents doivent être suffisamment disponibles pour s’occuper des enfants.
  • Les enfants doivent avoir un certain âge. En effet, les tribunaux considèrent souvent qu’une résidence alternée n’est pas le plus adaptée pour les enfants âgés de moins de 3 ans.
  • L’existence d’une similarité dans les méthodes éducatives : il arrive que le juge refuse la résidence alternée car la différence de méthodes éducatives employées par les parents étaient de nature à remettre en cause la préservation de l’intérêt de l’enfant [10].
  • L’adhésion des enfants : certains juges prennent en compte l’avis de l’enfant pour favoriser la résidence alternée [11], voire l’érige même en condition nécessaire à celle-ci [12].

Cas de refus potentiel de la résidence alternée

Après avoir évalué la situation, le juge aux affaires familiales pourra considérer qu’il est préférable de choisir une résidence habituelle de l’enfant au domicile de l’un des parents si :

  • l’autre parent ne justifie pas d’un domicile ou ne dispose pas d’un logement suffisamment grand pour accueillir l’enfant.
  • L’autre parent a des déplacements professionnels trop fréquents.[13]
  • L’autre parent a des problèmes psychiques, dépressifs ou des troubles d’alcoolisme.
  • L’autre parent vit avec une personne qui est en conflit avec les enfants.

La résidence alternée peut-elle être remise en cause ?

Il est fréquent qu’un parent me demande en consultation si une résidence alternée peut être remise en cause, que ce soit en raison d’une volonté de l’enfant, ou encore car l’autre parent souhaite déménager.

Or il existe effectivement différentes hypothèses dans lesquelles ce mode de garde peut prendre fin à la demande d’un parent.

Il sera alors souhaitable de tenter de trouver un accord pour le bien-être des enfants, par exemple par la mise en place d’une médiation familiale ou d’un processus collaboratif.

En cas de désaccord, l’un des deux parents pourra de saisir le juge aux affaires familiales, qui prendra sa décision en se basant sur la preuve de l’existence de circonstances particulières justifiant cette remise en cause.

Parmi ces circonstances peuvent être évoquées le déménagement d’un des parents ou des dysfonctionnements de la garde alternée.

Le déménagement de l’un des parents

En effet, il a pu être jugé que déménager loin du domicile de l’autre parent pouvait entraîner la fin de la résidence alternée[14].

Mais attention, le déménagement n’est pas nécessairement un motif suffisant : la Cour d’appel de Lyon a notamment énoncé que devait perdurer la résidence alternée d’un enfant à la suite d’une affaire dans laquelle une mère avait déménagé à une distance de 34 kilomètres du domicile de son ex-époux [15].

A ce sujet, je vous invite à la lecture de mon précédent article :

 

L’existence d’un signe de dysfonctionnements

L’enfant aimerait ne plus être en garde alternée : il importe de faire évoluer la résidence si les besoins de l’enfant le commande. Ainsi par exemple, une juridiction a pu considéré qu’il fallait mettre un terme à la résidence alternée d’un enfant âgé de 15 ans qui avait une baisse dans ses résultats scolaires et qui avait indiqué à un enquêteur social qu’il trouvait ce système trop lourd [16].

L’enfant est en danger : un parent alcoolique ou violent constitue un motif légitime justifiant dans l’intérêt de l’enfant de remettre en cause la résidence alternée[17].

 

En conclusion

On le voit, la résidence alternée est un procédé qui peut avoir ses avantages pour à la fois garantir l’intérêt de l’enfant et/ou satisfaire au désir des parents.

Mais ne jamais oublier que si une difficulté se présente, l’enfant sera toujours prioritaire dans le choix de la mesure et pour déterminer lorsque ce mode de garde a été décidé, s’il doit perdurer.

N’hésitez pas dans ce cas à saisir le juge aux affaires familiales, au besoin grâce à un avocat, pour que le litige soit tranché en cas de désaccord.

 

Besoin d’aide ?

Êtes vous concerné et avez-vous besoin d’aide ?

Contactez-moi pour examiner votre situation personnelle.

Maître Caroline Yadan Pesah,
Avocate en Droit de la Famille et Affaires familiales à Paris

 

[1] En 2020, 12 % des enfants dont les parents sont séparés vivent en résidence alternée. Insee Première n°1841 du 3 mars 2021.

[2] Article 373-2-9 du code civil

[3] Rép. min. no 12373, JOAN Q 12 août 2008

[4] Lyon, 28 oct. 2016, RG no 15/04038

[5] Article 196 du code général des impôts

[6] Article 194 du code général des impôts

[7] Fort-de-France, 31 janv. 2014, RG no 12/00631, RJPF 2014-4/29

[8] Versailles, 2 juin 2016, RG no 15/03091

[9] CA Rennes 20 mars 2006 n°05-4183 et CA Aix-en-Provence 6-4-2004, 6e ch. A n°294.

[10]CA Nîmes 3 juillet 2002 n°02-1053, 2e ch. Sec. C : AJ famille 2003 p. 339.

[11] Aix-en-Provence, 22 août 2007, RG no 06/02134

[12] Caen, 9 nov. 2006, RG no 06/0044

[13] Cass. civ. 1ère 6 mars 2013 n°12-15.838 : BPAT 2/13 inf.49

[14] Civ. 1ère, 19 nov. 2009, n°09-68.179

[15] Lyon, 9 janv. 2012, RG n°10/08674

[16] Dijon, 30 avr.2003, RG n°02/00186).

[17] Civ.1er, 5 mars 2014, n°13-13.442

Marcel COCU, Bertrand MORT, Sophie LAPUTE, Sylvain CONNART, Marc GROSLARD, Charlotte LA MAUVAISE, Martine ANUS, Florian MALFAISAN… qui peut vouloir conserver ces ???? ?? ??????? ?

? Vous pouvez demander un changement de nom de famille dans des cas très exceptionnels pour « motifs légitimes » :
? Nom à consonance étrangère
? Nom ridicule ou péjoratif
? Nom sur le point de disparaître
? Nom d’un personnage célèbre à mauvaise réputation

Le Conseil d’État a récemment ajouté un « motif affectif » à ces motifs légitimes de changement de nom :

? Deux enfants, que leur père avait abandonnés très jeunes ont pu, devenus adultes, arguer de leur traumatisme psychologique pour changer leur nom.
? Un enfant, dont le père d’adoption ne s’était jamais occupé et qui avait été placé en foyer, a pu légitimement prétendre ne plus vouloir porter le nom de son père.

✅ Je trouve que ces décisions constituent une avancée très importante : la justice s’humanise ! Elles montrent que même un juge administratif peut interpréter la loi pour se rapprocher du vécu des justiciables et prendre en compte leur affect pour rendre sa décision.

Caroline Yadan Pesah, avocate en droit de la famille

Rapports sexuels, devoir conjugal ?

Les époux se doivent fidélité, secours et assistance. Ils s’obligent également, selon le Code Civil, à avoir une « communauté de vie », ce qui signifie notamment une communauté de lit, qui implique l’existence de relations sexuelles.

Une femme de 66 ans vient de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme, suite au prononcé de son divorce à ses torts exclusifs, parce qu’elle avait refusé toute relation intime avec son époux durant 8 ans.

Cette décision n’est pas nouvelle : en 2011, une épouse avait obtenu 10 000 euros de dommages et intérêts parce que son mari s’était refusé à elle pendant 5 ans !

Alors même que l’interdiction du viol entre conjoints est consacrée dans le Code Pénal, comment peut-on encore considérer l’existence d’une exécution forcée du devoir conjugal, qui date de l’Ancien Régime ?

En d’autres termes, on n’a pas le droit de forcer l’autre à une relation sexuelle, mais si on ne se force pas on commet une faute ?!

Remplir son devoir conjugal par obligation juridique et non par amour relève d’un schéma quelque peu dépassé, non ?

N’est-il pas temps que la Cour de Cassation évolue après 200 ans de jurisprudence constante, et envisage la suppression de ce devoir conjugal ?

Qu’en pensez-vous ?

Je rencontre beaucoup de femmes qui m’indiquent que c’est paradoxalement au moment du divorce que leurs époux découvrent les notions de famille et de paternité ! ?

? Ces pères, qui ne s’étaient jamais véritablement investis dans le quotidien de leurs enfants, se déclarent « papa poule », modifient radicalement leur comportement vis à vis des enfants, et sollicitent même parfois la résidence alternée… au grand dam des mères qui n’envisagent pas une séparation avec leur progéniture une semaine sur deux.

Même si ce n’est pas facile, dans ce contexte du « retour du père », je conseille de prendre de la hauteur et de cesser de considérer le père des enfants comme un adversaire ou un ennemi.

? Lors d’un divorce, l’angoisse d’un homme est justement de perdre définitivement sa place et son statut auprès de ses enfants : cette peur s’accompagne souvent d’une prise de conscience bénéfique, qui lui permet d’évoluer face à ces derniers et d’agir en parent responsable et compétent.

✅ C’est pourquoi j’estime qu’il est si important, lors d’une séparation, de co-construire une nouvelle parentalité faite de respect mutuel pour éviter qu’un conflit de loyauté destructeur ne vienne saccager les enfants, porteurs de l’amour mais aussi de la haine de leurs parents.