Neutralité du service public et conscience des maires défavorables au mariage homosexuel

Décision du Conseil constitutionnel du 18 octobre 2013 n° 2013-353 sur une question prioritaire:

Le Conseil réaffirme le principe de la neutralité du service public, sans que celle-ci ne porte atteinte à la liberté de conscience des maires, en approuvant la législation permettant aux agents de l’état civil de garantir le bon fonctionnement des services des mariages, y compris homosexuels.

− SUR LE FOND :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 34−1 du code civil : « Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de

l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République » ;

3. Considérant qu’aux termes de son article 74 : « Le mariage sera célébré, au choix des époux, dans la commune où

l’un d’eux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d’habitation

continue à la date de la publication prévue par la loi » ;

4. Considérant qu’aux termes de son article 165 : « Le mariage sera célébré publiquement lors d’une cérémonie

républicaine par l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs parents, aura son

domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l’article 63, et, en cas de dispense de publication, à la

date de la dispense prévue à l’article 169 ci−après » ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2122−18 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est

seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie

de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors

que ceux−ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal.

« Le membre du conseil municipal ayant démissionné de la fonction de maire en application des articles L.O. 141 du

code électoral, L. 3122−3 ou L. 4133−3 du présent code ne peut recevoir de délégation jusqu’au terme de son mandat

de conseiller municipal ou jusqu’à la cessation du mandat ou de la fonction l’ayant placé en situation d’incompatibilité.

« Lorsque le maire a retiré les délégations qu’il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur

le maintien de celui−ci dans ses fonctions » ;

6. Considérant que, selon les requérants, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe heurte les

convictions personnelles de nombreux maires et adjoints ; qu’en omettant de prévoir une « clause de conscience »

permettant aux maires et aux adjoints, officiers de l’état civil, de s’abstenir de célébrer un mariage entre personnes de

même sexe, ces dispositions porteraient atteinte tout à la fois à l’article 34 de la Constitution et à la liberté de

conscience ; que seraient également méconnus le droit de ne pas être lésé dans son travail ou son emploi en raison

de ses opinions ou de ses croyances, le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions et le principe de la

libre administration des collectivités territoriales ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne

doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public

29.10.2013 Conseil Constitutionnel − Décision n° 2013−353 QPC du 18 octobre 2013 2/4établi par la loi » ; que le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 rappelle : « Nul ne peut être lésé,

dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; que la liberté de

conscience, qui résulte de ces dispositions, est au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ;

8. Considérant, d’une part, que l’article 165 du code civil prévoit notamment que le mariage est célébré publiquement

lors d’une cérémonie républicaine par l’officier de l’état civil de la commune ; qu’en vertu de l’article L. 2122−32 du

code général des collectivités territoriales, le maire et les adjoints sont officiers de l’état civil dans la commune ; qu’en

cette qualité, ils exercent leurs attributions au nom de l’État ; que, dans le cadre de ces attributions, selon l’article L.

2122−27 dudit code, le maire est chargé de l’exécution des lois et règlements ;

9. Considérant, d’autre part, que le code civil définit les conditions de fond du mariage et les formalités relatives à sa

célébration ; qu’en particulier, l’article 75 dispose : « Le jour désigné par les parties, après le délai de publication,

l’officier de l’état civil, à la mairie, en présence d’au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des

parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212 et 213, du premier alinéa des articles 214 et 215, et de l’article

371−1 du présent code. . .

« L’officier de l’état civil interpellera les futurs époux, et, s’ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration

et autorisant le mariage, d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l’affirmative, la date

de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l’aura reçu.

« Si les pièces produites par l’un des futurs époux ne concordent point entre elles quant aux prénoms ou quant à

l’orthographe des noms, il interpellera celui qu’elles concernent, et s’il est mineur, ses plus proches ascendants

présents à la célébration, d’avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d’une omission ou d’une erreur.

« Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux : il prononcera,

au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur−le−champ » ;

10. Considérant qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les

dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par

la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et

garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de

l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience ;

11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de pluralisme des courants

d’idées et d’opinions, ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou liberté

que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

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