Du nouveau pour la filiation des enfants nés par GPA et PMA

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filiation des enfants nés par GPA et PMA

filiation des enfants nés par GPA et PMA

La Cour de cassation a publié, les 18 et 19 décembre 2019, deux communiqués relatifs à la transcription des actes de naissance d’enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) et d’une procréation médicalement assistée (PMA). C’est une évolution majeure de sa jurisprudence.

Cette parution intervient dans un contexte bien particulier, en effet dans quelques semaines, le gouvernement est censé publier une circulaire afin de clarifier les modalités relatives à l’établissement de la filiation en France. La Chancellerie affirme que la circulaire devrait  « indiquer la méthode privilégiée par la France pour établir la filiation des enfants nés par GPA et PMA ».

Quel est l’apport de ces deux communiqués ? Quelle est leur place dans le droit actuel ?

Sommaire

La PMA et la GPA en France avant ces arrêts

Définitions

Pour rappel, comme invoqué dans notre précédent article relatif sur ce thème, la GPA signifie gestation pour autrui. Une femme, la mère porteuse, va porter un enfant pour un autre couple, le couple d’intention. A la fin de la grossesse, elle leur remet l’enfant et renonce à ses droits parentaux sur l’enfant.

Elle est étroitement liée à la PMA, procréation médicalement assistée, qui consiste soit à déposer des ovules déjà fécondés au sein de l’utérus de la femme (fécondation in vitro) soit à déposer les spermatozoïdes directement à l’entrée du col de l’utérus. Les ovocytes peuvent parfois provenir d’un don.

Évolution historique de ces pratiques en France

*la PMA

En France, la  procréation médicalement assistée (PMA) est autorisée aux couples hétérosexuels qui souffrent de problèmes d’infertilité médicalement constatés ou qui risquent de transmettre une maladie grave à l’enfant. La PMA est encadrée par la  Loi Bioéthique du 6 août 2004, qui a été révisée par la loi du 7 juillet 2011. En 2015, 145.000 couples ont tenté de recourir à la PMA.

Mais en 2019, l’Assemblée nationale qui s’intéressait à la révision des lois bioéthique a approuvé en première lecture l’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples homosexuels de femmes. Le processus législatif n’étant pas terminé, la loi n’est pas encore en vigueur.

*La GPA

La gestation pour autrui (GPA) est interdite en France et la révision de la loi bioéthique ne prévoit pas de revenir sur ce point. Elle est cependant autorisée dans certains pays notamment en Belgique, au Royaume Uni ou encore en Irlande.

Quelle est la position de la Cour européenne des droits de l’homme sur ce point ?

La CEDH n’impose pas la légalisation de la GPA aux états membres. Cependant, elle impose le respect à la vie privée. En application de ce principe la Cour européenne enjoint donc fortement les états membres à reconnaître le lien de filiation entre l’enfant né d’une GPA à l’étranger et la mère d’intention, mais il ne s’agit pas d’une obligation. Elle précise que l’adoption peut être une modalité de reconnaissance de ce lien.

Aujourd’hui la CEDH s’intéresse à deux critères afin de savoir si la solution proposée par l’Etat membre est respectueuse du droit à la vie privée à savoir : l’« effectivité » et la « célérité ». Ainsi dans un arrêt du 19 octobre 2019, elle a jugé que la solution de la France qui demandait à un couple de passer par l’adoption pour établir la filiation de la mère d’intention était satisfaisante aux regards de ces deux critères.

Quelle était la position de la France avant décembre 2019 ?

La France avant ces arrêts de la Cour de cassation avait été marquée par une affaire importante, qui a duré 19 ans, l’affaire Mennesson.

Pour rappel, il s’agissait de jumelles nées d’une GPA aux États Unis en 2000. Les parents demandaient la transcription de leurs actes de naissance en France. Après un refus catégorique, la France avait admis la reconnaissance du père car il s’agissait de ses gamètes mais refusait toujours la reconnaissance de la mère d’intention. Cette affaire a connu son épilogue le 4 octobre 2019 quand la Cour de cassation a admis la transcription complète de l’acte d’état civil des jumelles.

Mais cette décision, a été motivée par des raisons d’espèce, notamment le fait que le contentieux durait depuis plus de quinze ans et qu’il n’existait pas  « d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ». Cette décision semblait donc une décision isolée, et la pérennité de cette jurisprudence n’était pas assurée.

Mais dans ses communiqués de décembre 2019, la Cour de cassation est allée encore plus loin que dans l’affaire Mennesson et a dégagé une solution générale.

L’importance des communiqués des 18 et 19 décembre 2019

Le communiqué du 18 décembre 2019 : après une PMA, la mère d’intention reconnue comme parent

Ce communiqué est relatif à la transcription à l’état civil de l’acte de naissance d’un enfant né d’une PMA à l’étranger qui désigne un couple de femmes comme parents.

Dans cette situation, un couple de femmes françaises a eu recours à une PMA à Londres de laquelle est né un enfant. Sur l’acte d’état civil de ce dernier, les deux femmes sont désignées comme parents.

La Cour d’appel va accepter de transposer partiellement l’acte de naissance, en ce qui concerne la mère qui a accouché et refuser la reconnaissance de l’autre mère.

La Cour de cassation saisie de cette affaire va quant à elle admettre une transcription totale de l’acte. Ainsi la mère d’intention est reconnue comme parent.

Elle affirme que le fait que le couple ait eu recours à une PMA a l’étranger et le fait que l’acte mentionnent deux femmes en parents ne constituent pas un obstacle à la transcription dès lors que l’acte de naissance est régulier au sens de l’article 47 du Code civil.

Le communiqué du 19 décembre 2019 : transcription totale de l’acte de naissance désignant 2 hommes comme parents

Ce communiqué est relatif à la transcription à l’état civil de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger qui désigne deux hommes comme parents.

Deux couples d’hommes ont eu recours à une GPA aux États Unis. Les actes de naissance des deux enfants sont réguliers et désignent le père biologique et son époux ou compagnon comme « parent ». Après un refus catégorique de transcription en France, la Cour d’appel admet une transcription partielle en ce qui concerne le père biologique mais refuse la transcription du père d’intention.

La Cour de Cassation s’appuie sur la Convention européenne des droits de l’homme et le droit à la vie privée, la Convention de New York et l’intérêt supérieur de l’enfant afin d’admettre la transcription totale de l’acte de naissance.

Elle affirme que tout comme la PMA, la GPA effectuée à l’étranger et le fait que l’acte mentionnent deux hommes comme parents ne constituent pas un obstacle à la transcription. La seule condition, qui est commune aux deux arrêts, est que l’acte doit être conforme à l’article 47 du Code civil.

Les conditions d’application de cette transcription

Les deux communiqués affirment donc que la GPA et la PMA réalisées à l’étranger ne font pas obstacle à la transcription si l’acte respecte les conditions de l’article 47 du Code civil. Quelles sont donc ces conditions ?

L’article 47 affirme que dès lors que l’acte est rédigé selon la forme utilisée dans le pays, il fait foi.

Il pose ensuite une exception dans laquelle il ne fait pas foi : à savoir quand d’autres éléments probants et vérifiés établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Conséquences de ces décisions

En résumé, ces communiqués vont plus loin que la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que dans l’affaire Mennesson, dont la solution était motivée par l’âge des filles et de la durée de la procédure.

Ici la Cour de cassation est venue poser une solution beaucoup plus générale. Elle semble mettre fin à l’obligation de la procédure d’adoption.

Ainsi au regard de ces arrêts et en attendant la circulaire interministérielle et l’entrée en vigueur de la loi de révision des lois bioéthiques, la Cour de cassation semble dire que la transcription totale des actes de naissance suite à une GPA / PMA réalisée à l’étranger, bien qu’elle ne soit pas automatique, semble possible par la voie judiciaire à la seule condition que l’acte soit régulier, légal et rédigé selon la forme du pays de naissance.

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Maître Caroline Yadan Pesah,
Avocate en Droit de la Famille et Affaires familiales à Paris 18e