Prestation compensatoire

Articles de droit de Maître Caroline Yadan-Pesah sur la Prestation compensatoire

Nous vous présentons ci-après différentes méthodes d’évaluation de la prestation compensatoire en matière de divorce.

Cet article a été initialement publié sur le blog Legavox de Caroline Yadan Pesah, où il a généré depuis sa publication 628.825 vues et 668 commentaires.

L’Article 271 du Code Civil,

Modifié par la Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005
et modifié par la Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 6 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Dispose :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite. »

Cette liste n’est pas exhaustive, et l’évaluation de la prestation compensatoire reste source de conflit entre les époux qui souhaitent divorcer.

Il n’existe pas de « barème » permettant de fixer une fois pour toute un montant qui ne serait susceptible d’aucune discussion.

Le sentiment d’ « arbitraire » demeure, dû essentiellement à une absence de rigueur et à des différences de traitement ressenties ou vérifiées, d’un tribunal à l’autre.

C’est la raison pour laquelle plusieurs auteurs ont proposé des méthodes d’évaluation de la prestation compensatoire, que nous reprenons ici.

Ces méthodes, qui permettent d’appréhender plusieurs situations ne sont qu’indicatives, et encore expérimentales.

Les chiffres sont toujours à pondérer, en fonction notamment de l’approche de la retraite, de la situation prévisible en matière de retraite, du temps consacré à l’éducation des enfants, des conséquences des choix professionnels faits par l’un et l’autre, des patrimoines respectifs estimés ou prévisibles.

Il n’existe pas (encore ?) de barème impératif, et c’est tout le dossier patrimonial et personnel qui est examiné.

Ce qui doit être compensé, ce n’est pas l’absence de parité, mais une véritable dysharmonie dans les conditions de vie de chacun des époux.

Afin de faciliter la compréhension, des chiffres factices ont été retenus pour chacun des exemples développés ci-dessous.

1) 1ère méthode : 1/3 de la différence de revenus annuels par ½ de la durée du mariage.

Calcul sur les revenus avant impôts

Revenus bruts de Monsieur : 30.000 €

Revenus bruts de Madame: 18.000 €

Différence de revenus avant impôts : 12.000 €

1/3 de la différence de revenus             : 4.000 €

Durée du mariage :                              22 ans

½ de la durée du mariage :                   11 ans

1/3 de la différence par ½ de la durée du mariage : 44.000 €

  • Calcul sur les revenus après  impôts

Même calcul avec les chiffres nets.

 

2) 2ème méthode : Autre méthode proposée par Monsieur Dominique MARTIN SAINT LEON, Conseiller à la Cour d’Appel de Chambery, Magistrat délégué à la formation

Calcul sur les revenus avant impôts

 

1 – Détermination d’une unité de mesure mensuelle de la disparité :

a – Déterminer les conditions de vie des époux

Revenus de Monsieur par mois : 2.500 €

                                   Revenus de Madame par mois : 1.500 €

b- Mesurer l’écart entre les valeurs obtenues

Différence de revenus mensuels : 1.200 €

c- Unité de mesure = la moitié du différentiel de telle façon qu’en l’octroyant à la partie la moins favorisée, la partie absolue est obtenue :

Madame : 1.300 + 600 = 1.900 €

Monsieur : 2.500 – 600 = 1.900 €

 

2- Utilisation de cette unité de mesure au moyen d’un barème :

Table 1 : âge du créancier

16 à 30 ans 31 à 35 ans 36 à 40 ans 41 à 45 ans 46 à 50 ans 51 à 55 ans 56 à 60 ans 61 à 65 ans
1 2 3 4 5 6 7 8

 

Table 2 : durée du mariage

0 à 4 ans 5 à 9 ans 10 à 14 ans 15 à 19 ans 20 à 24 ans 25 à 29 ans
3 6 9 12 15 18
30 à 34 ans 35 à 39 ans 40 à 44 ans 45 à 49 ans 50 à 54 ans 55 à 59 ans
21 24 27 30 33 36
60 à 64 ans 65 à 69 ans 70 à 74 ans 75 à 79 ans 80 à 84 ans 84 à 88 ans
39 42 45 49 50 51

Il est proposé une échelle selon laquelle chaque point équivaut à trois mois de compensation

Exemple 1 :

Mme : 32 ans = 2 points

8 ans de mariage = 6 points

6 points + 2 points = 8 points x 3 (mois) = 24 x 600 (Unités de Compensation) = 14.400 €

La prestation sera de 14.400 €

 

Exemple 2 :

Mme : 48 ans = 5 points

22 ans de mariage = 15 points

5 points + 15 points = 20 points x 3 = 60 x 600 = 36.000 €

La prestation sera de 36.000 €

Calcul sur les revenus après  impôts

Même calcul que précédemment mais net d’impôts.

 

3) 3e méthode : 20% de la différence annuelle des revenus des époux multiplié par 8

 Calcul sur les revenus avant impôts

Revenus de Monsieur : 30.000 €

                                   Revenus de Madame : 18.000 €

Différence de revenus bruts :    12.000 €

20% de la différence : 2.400 €

8 fois 20% de la différence : 19.200 €

 

Calcul sur les revenus après impôts

Même calcul net d’impôts.

 

On le voit, selon la méthode employée, le résultat peut être très différent.

C’est pourquoi la fixation de la prestation compensatoire reste appréhendée par les tribunaux en fonction du contexte et des articles 270 et suivants du Code Civil.

Besoin d’aide pour étudier votre situation personnelle ?

Contactez-moi

Caroline YADAN PESAH

A l’occasion des nombreux commentaires suscités par mon article « Calcul de la prestation compensatoire-Méthodes d’évaluation » sur mon blog LEGAVOXhttp://www.legavox.fr/blog/yadan-pesah-caroline/calcul-prestation-compensatoire-methodes-evaluation-1696.htm#.V01HRJGLTct, un lecteur m’a fait part de la remarque suivante :

«On lit partout que le but de la prestation compensatoire est de compenser les sacrifices de carrière fait par l’un des conjoints (en général l’épouse).

Or lorsqu’on regarde les méthodes employées on constate que ces méthodes se basent essentiellement sur les différences de salaires observées. 

Ceci m’interpelle car il peut y avoir des différences de salaires sans pour autant qu’il y ait eu de sacrifice de carrière ni de l’un ni de l’autre. C’est même aujourd’hui la grande majorité des cas. 

Il y a donc un véritable décalage entre le discours  » compenser un sacrifice  » et la réalité du calcul. Résultat: on s’y perd et on ne comprend pas. 

Quelle est véritablement la vraie nature de la prestation compensatoire ? 

S’agit-il d’indemniser/compenser une perte d’opportunité de carrière ? Et alors s’il n’y a pas eu de perte de carrière, il ne devrait pas y avoir quoi que ce soit à compenser quand bien-même les différences de salaires seraient grandes mais uniquement dues à des différences de qualifications professionnelles qui trouvent leur origine AVANT le mariage.

Ou s’agit-il d’autre chose ?

Une clarification serait vraiment la bienvenue afin que le justiciable puisse comprendre la loi.

C’est cette clarification que je vais tenter d’apporter ici.

Comme on le sait, l’article 270 du Code Civil prévoit qu’au moment du divorce« l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions respectives des époux. »

A cet effet, et conformément à l’article 271 du même Code, le juge prend notamment en considération :

  • la durée du mariage,
  • l’état de santé des époux,
  • leur qualification et leur situation professionnelle,
  • les conséquences du choix professionnel fait par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
  • le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu’en revenus après la liquidation du régime matrimonial,
  • leurs droits existants et prévisibles,
  • leur situation respective en matière de pension de retraite.

Cette liste n’est pas exhaustive, et l’évaluation de la prestation compensatoire reste source de conflit entre les époux qui souhaitent divorcer.

Il n’existe pas de « barème » permettant de fixer une fois pour toute un montant qui ne serait susceptible d’aucune discussion.

Si la disparité entre les revenus de chacun des époux suffit en tant que tel à justifier l’attribution dans son principe d’une compensation, la prestation n’a pas pour objet de niveler les fortunes ou de constituer une rente de situation.

De plus, la Cour de Cassation a rappelé récemment que la prestation compensatoire n’avait pas non plus pour vocation de corriger les effets de l’adoption par les époux du régime de séparation de biens.

Ce qui doit être compensé par le jeu de la prestation compensatoire, c’est le fait pour un époux d’avoir sacrifié ou, à tout le moins, ralenti sa carrière, d’avoir renoncé à ses propres ambitions professionnelles pour rester au foyer auprès de ses enfants, alors que son conjoint se consacrait à son travail et continuait à évoluer sur le plan social.

Ce qui doit être compensé, ce n’est pas l’absence de parité en tant que telle, mais une véritable dysharmonie dans les conditions de vie de chacun des époux.

En d’autres termes, la disparité entre les revenus des époux se révèle être injuste et anormale, en ce qu’elle révèle d’un investissement à sens unique, donc en « pure perte » en raison du divorce.

Les juges considèrent que la prestation compensatoire doit permettre au créancier de bénéficier d’un cadre de vie convenable, se rapprochant dans la mesure du possible, si ce n’est celui dont bénéficie le couple durant le mariage, tout au moins, celui que l’époux (ou l’épouse) serait en mesure d’offrir après le divorce à aux enfants.

La loi et la jurisprudence prennent donc en compte à la fois la disparité des revenus (même sans sacrifice de carrière) ET la situation personnelle et professionnelle des époux.

C’est notamment le sacrifice consenti qui permettra d’évaluer à la hausse le quantum de la PC.

En outre, les mêmes juges cherchent, par le biais de la prestation, à permettre de faire face aux charges mensuelles incompressibles qui pèseront sur le créancier en cas de divorce.

En quelque sorte, il s’agit « a minima » de d’assurer à ce dernier le « gîte et le couvert » après le divorce, eu égard au train de vie du ménage.

S’agissant des ressources du débiteur, il doit, bien sûr, être tenu compte de la consistance de son patrimoine, notamment, pour apprécier sa faculté à faire face à sa dette.

Si la nature de la prestation compensatoire reste assez claire pour les tribunaux, son calcul en revanche continue à faire couler beaucoup d’encre, même si les méthodes pour en apprécier le montant sont plus nombreuses et plus précises aujourd’hui qu’hier …

Une prestation compensatoire peut être fixée par le juge, sous certaines conditions, afin de compenser les disparités créées par le divorce dans les conditions de vie respectives des époux.

Elle a un caractère forfaitaire et prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge (art. 270 c. civ.).

Le juge fixe la prestation compensatoire au regard des besoins de l’époux bénéficiaire, des ressources du débiteur, de la situation au moment du divorce et de son évolution dans un avenir prévisible.

Pour cela il prend en considération divers éléments tels que la durée du mariagel’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et situation professionnelles ainsi que les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur patrimoine estimé ou prévisible après liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leurs situations respectives en matière de pensions de retraite en ayant estimé la diminution résultant des choix professionnels faits pour l’éducation des enfants ou la carrière du conjoint (art. 271 du c. civ.).

Si le débiteur ne peut verser le capital dans les conditions prévues (versement d’une somme d’argent ou attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit – art 274 du c. civ.), le juge fixe des modalités de paiement périodiques dans la limite de huit années (art 275 du c. civ.).

A titre exceptionnel, la prestation compensatoire peut prendre la forme d’une rente viagère lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins (art 276 du c. civ.).

En cas de requête conjointe, les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention qu’ils soumettent à l’homologation du juge (art 278 et 279- 1 du c. civ.), lequel vérifie l’équité des droits et obligations des époux.

Quelle que soit la procédure de divorce, les époux peuvent à tout moment de la procédure soumettre à homologation des conventions réglant tout ou partie du divorce (article 268 du c.civ.)