Cass civ 1 11 octobre 2017 16-23.104

Après avoir souverainement estimé que l’expertise biologique sollicitée était impossible à mettre en œuvre, dès lors que le domicile de l’enfant n’était pas connu ; la cour d’appel caractérise un motif légitime de ne pas ordonner cette mesure d’instruction, a légalement justifié sa décision.

Le régime de l’expertise biologique en droit de la filiation, relativement complexe, est précisé progressivement par la cour de cassation. Si cette expertise doit être ordonnée lorsqu’elle est demandée et peut même l’être d’office (article 10 et 143 du CPC), elle peut néanmoins être refusée « lorsqu’il existe des motifs légitimes de ne pas y procéder ». Les motifs de ce refus suscitent un lourd contentieux. La cour de cassation est d’ailleurs très stricte à ce propos, conformément à l’orientation générale de la CEDH en matière d’expertise biologique. Cependant, pour des raisons purement matérielles, le refus d’expertise peut se concevoir.

En l’espèce, une enfant naît en 2012 à Pékin. Elle est reconnue par un homme qui est marié à une femme autre que la mère. L’épouse agissant pour elle même et en qualité d’administratrice légale des deux enfants légitimes, tente d’agir en contestation de la paternité de l’enfant adultérin. La cour d’appel rejette cette demande. Pour justifier le refus d’ordonner une expertise biologique, elle juge que cette expertise est « impossible à mettre en œuvre, dès lors que le domicile de l’enfant n’est pas connu (en théorie au Kenya), sa mère étant domiciliée en Chine »

Un pourvoi est formé : la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 310 – 3 du Code civil en se bornant ainsi à souligner les éventuelles et hypothétiques difficultés de mise en œuvre de la mesure d’expertise sollicitée, sans caractériser le motif légitime qu’il y aurait de ne pas ordonner une expertise biologique.

La cour de cassation rejette le pourvoi : il y a bien un motif légitime de refuser l’expertise dès lors que la cour d’appel a apprécié l’impossibilité d’y procéder.

CEDH 18 décembre 2017

L’absence de reconnaissance légale des unions homosexuelles en Italie a violé le droit au respect de la vie privée et familiale de 6 couples mariés à l’étranger.

En l’espèce, 6 couples homosexuels s’étaient mariés hors d’Italie. Devant la CEDH, les couples se plaignent du refus d’enregistrement de leurs mariages contractés à l’étranger et de l’impossibilité pour eux de se marier ou d’obtenir sous une quelconque autre forme la reconnaissance légale de leur union familiale en Italie. Ils voient également dans leur situation une discrimination fondée uniquement sur leur orientation sexuelle.

La Cour rappelle qu’en vertu de sa jurisprudence, les États demeurent libres de n’ouvrir le mariage qu’aux couples hétérosexuels mais que, toutefois, les couples homosexuels ont besoin d’être reconnus légalement et de protéger leur relation. Elle a en effet conclu à une violation de l’article 8 dans l’affaire Oliari et autres au motif que l’Italie n’avait pas offert un tel cadre légal aux unions homosexuelles. Elle observe que, dans différents pays, les unions civiles permettent d’obtenir un statut légal identique ou similaire à celui du mariage et que, en principe, un tel système peut satisfaire aux exigences de la Convention européenne.

La situation en Italie a changé en 2016, avec l’adoption d’une nouvelle législation sur les unions civiles homosexuelles et de nouveaux décrets, certains couples en l’espèce ayant fait reconnaître leur relation sur la base de ces dispositions.

Cependant, leurs griefs remontent à 2012, avant l’entrée en vigueur de la réforme. La question essentielle est de savoir si, avant l’adoption des nouveaux textes, un juste équilibre avait été ménagé entre les intérêts concurrents de l’État et ceux des couples. La Cour reconnaît que le choix opéré par l’Italie de ne pas permettre les mariages homosexuels n’est pas condamnable sur le terrain de la Convention mais elle constate que la question essentielle en l’espèce est l’impossibilité pour les couples d’obtenir sous une forme quelconque la reconnaissance légale de leur union

Civ 1 29 novembre 2017

L’avantage accordé à l’un des époux au titre du devoir de secours pendant la procédure de divorce, tel la jouissance gratuite du domicile conjugal, ne doit pas être pris en compte pour le calcul de la prestation compensatoire

En l’espèce, une épouse se voit refuser une prestation compensatoire au motif qu’elle a bénéficié de la jouissance gratuite du domicile conjugal pendant la durée de l’instance, soit plus de 4 ans, ce qui représente une somme de 40 000 euros.

La cour de cassation juge que la prestation compensatoire doit être fixée en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce. Or, il a été pris en considération l’avantage accordé à l’épouse au titre du devoir de secours.

Selon la jurisprudence, les sommes et avantages perçus par un époux au titre du devoir de secours ne doivent pas entrer en ligne de compte pour allouer ou non une prestation compensatoire : ce devoir prend fin avec le prononcé du divorce. Cette solution s’applique quelle que soit la forme que prend le devoir de secours préconisé au titre des mesures provisoires : une pension alimentaire, des loyers dévolus à une épouse pour le temps de la procédure de divorce ou encore, comme en l’espèce, l’avantage en nature constitué par l’occupation gratuite du logement pour le temps de la procédure.

Dans toutes les décisions concernant l’enfance, la Cour de cassation rappelle que le critère primordial est l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cet arrêt de la Cour de cassation en matière de droit de garde n’échappe pas à la règle et en est une illustration.

En l’espèce, des juges du fond ordonnent le rapatriement d’un enfant en Ukraine. La mère de cet enfant forme alors un pourvoi en cassation, et développe plusieurs moyens.

Devant les juges du fond, la mère avait contesté l’existence d’un enlèvement international au motif qu’il n’y aurait pas eu de violation d’un droit de garde. A titre subsidiaire, il était invoqué le fait que l’enfant s’était intégré en France depuis plus d’un an au jour de l’introduction de la demande de retour.

Selon la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l‘enlèvement international d’enfants, « le droit de garde » comprend le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence ». Le droit de garde « peut notamment résulter d’une attribution de plein droit d’une décision judiciaire ou administrative, ou d’un accord en vigueur selon le droit de cet État ».

Dans l’espèce présentée, la Cour de cassation relève que le père s’étant vu accorder un droit de garde sur l’enfant par une décision ukrainienne de 2011 et que les décisions ukrainiennes de 2013 ne faisaient qu’accorder à chacun des parents le droit de circuler seul avec l’enfant sans autorisation de l’autre.

Toujours selon la Convention de la Haye, le juge ne peut pas ordonner le retour d’un enfant plus d’un an après l’enlèvement, s’il est prouvé que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

Le critère d’intégration dans un nouveau milieu a été relevé par les juges du fond par le fait que la mère, qui ne s’exprime pas en français, a déposé une demande d’asile. Également, ils avaient pointés le fait que l’enfant, qui réside en France depuis deux ans avec sa mère et ses demi frères et sœur, est scolarisé depuis septembre 2015, comprend et parle couramment le français.

Rappelant que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, la cour de cassation exerce sa censure, dit n’y avoir lieu à renvoi et rejette la demande de retour de l’enfant en Ukraine.

Référence

Cour de Cassation Chambre Civile 1 pourvoi N°17-11927 – décision du13 juillet 2017

Civ 1 18 octobre 2017

La première chambre civile de la cour de cassation, dans un arrêt en date du 18 octobre 2017 nous précise quelle est la protection des droits de la personne, plus exactement celle des modalités d’établissement de la filiation portées sur les registres de naissance de l’état civil.

En l’espèce, un ouvrage publié fait du caractère adoptif de la filiation d’un homme, lequel intente une action en justice contre son auteur et son éditeur pour que soit réparée l’atteinte ainsi portée à sa vie privée.

La cour d’appel condamne l’auteur et l’éditeur au paiement de dommages et intérêts, en jugeant que la divulgation, dans son ouvrage destiné au public, de la filiation adoptive d’un homme, porte atteinte à la vie privée de l’intéressé. « La filiation adoptive appartient à son histoire personne et à l’intimité de sa famille ».

L’auteur et l’éditeur forment un pourvoi en cassation, lequel est rejeté par la Haute juridiction. Selon la cour de cassation, « à l’expiration d’un délai de 75 jours à compter de leur clôture, les registres de naissance de l’état civil sont des archives publiques communicables à toute personne qui en fait la demande ». Par exception, toutefois, la Cour ajoute que « certaines informations qu’ils contiennent sont protégées par les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention EDH ». Parmi elles, les modalités d’établissement de la filiation.

Civ 1 16 novembre 2017

Le juge des enfants doit rechercher, afin de statuer sur une mesure de placement provisoire, si le mineur dispose d’un représentant légal sur le territoire national ou est effectivement pris en charge par une personne. Cet arrêt rappelle donc les conditions du placement d’un mineur décidé à titre provisoire par le parquet sur le fondement de l’article 375-5 alinéa 2 du Code civil pendant la procédure de mise en place d’une mesure d’assistance éducative.

Afin d’ordonner la mainlevée du placement, les juges du second degré avaient retenu d’une part, que l’arrivée du mineur sur le territoire français résultait d’une décision de ses parents, aucune situation de danger n’étant constatée à son encontre en Albanie, et qu’il restait soumis à l’autorité parentale qu’ils exerçaient depuis ce pays, et d’autre part, qu’il disposait de relations sociales et familiales en France, de sorte qu’il ne relevait pas de la protection des mineurs non accompagnés.

La cour de cassation censure l’arrêt au visa des articles 375 et 375-5 du code civil interprétés à la lumière des articles L 112-3 et L 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles au motif qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si le mineur disposait d’un représentant légal sur le territoire national ou était effectivement pris en charge par une personne majeure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. C’est à dire que la double condition prévue à l’article 375-5 al 2, à savoir l’urgence et le fait que l’enfant ait été trouvé dans un lieu qui n’est pas son domicile doit être interprété au regard des condition légales de l’assistance éducative.

Or, en l’espèce, les juges d’appel n’avaient pas contrôlé si le mineur disposait d’un représentant légal sur le territoire national ou bénéficiait effectivement de la prise en charge par une personne majeure de nature à garantir sa santé et sa sécurité ainsi que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social.

Conditions de l’autorisation du juge concernant la conclusion d’un PACS par un majeur sous tutelle

Selon la Cour de Cassation, l‘unique opposition des enfants d’un premier mariage ne peut justifier le refus d’une mesure conforme à la volonté clairement exprimée de la personne protégée, (Chambre civile 1 pourvoi n°16-24.832 décision du 15 novembre 2017)

En l’espèce, un individu avait été placé en tutelle en 2014, son fils ayant été désigné en qualité de tuteur.

Par la suite, la personne protégée avait demandé au juge des tutelles l’autorisation de conclure un PACS avec sa compagne.

Le fils reproche à la cour d’appel d’avoir autorisé le PACS au motif notamment qu’elle s’était bornée à constater que « si l’atteinte aux fonctions exécutives relevée par le médecin expert justifie le maintien d’une mesure de tutelle, force est de constater que la parole du majeur protégé est claire quant à sa volonté actuelle de donner un statut et avantager sa compagne ».

Selon le pourvoi, ce motif ne peut pas caractériser un consentement libre et éclairé. La cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 462 du code civil.

La cour de cassation rejette le pourvoi, en jugeant que « faisant application de l’article 462 du code civil, l’arrêt relève d’une part que le majeur protégé et sa compagne ont eu un enfant en 1979, et vivent maritalement depuis 1981, d’autre part qu’il résulte des débats qu’après son divorce, le majeur protégé a proposé à sa compagne de se marier et que celle ci qui avait refusé, souhaite aujourd’hui conclure un PACS.

Enfin que si l’état de santé de l’intéressé justifie le maintien de la mesure de protection, sa parole est claire quant à sa volonté de donner un statut à sa compagne, de sorte que la seule opposition des enfants du premier mariage ne peut justifier le refus d’une mesure conforme à la volonté exprimée par le majeur protégé ».

Caroline YADAN PESAH

Civ 1 29 novembre 2017

La cour de cassation réaffirme les conditions de transcriptions à l’état civil français d’un acte de naissance dressé à l’étranger dans le cadre d’une convention de mère porteuse, d’une part envers le père biologique, et d’autre part pour la mère d’intention ?

En l’espèce, un enfant est né en Ukraine, selon un acte de naissance ukrainien qui désigne le père et son épouse comme parents. Au moment de transcrire l’acte de naissance sur les registres français, les parents se heurtent à l’opposition du Procureur de la République en raison d’une suspicion de recours à une convention de gestation pour autrui.

La Cour de cassation reprend les solutions dégagées en juillet 2017. Pour ce qui est du père, la cour d’appel, « qui était saisie d’une action aux fins de transcription d’un acte de l’état civil étranger et non d’une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, a constaté que l’acte de naissance n’était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, s’agissant de la désignation du père ». Dès lors la convention de gestation pour autrui conclue à l’étranger ne faisait pas obstacle à la transcription de cet acte, les conditions de l’article 47 du code civil étant respectées.

La solution est bien différente pour la mère d’intention : en effet, l’article 47 du code civil autorise la transcription des actes de l’état civil étrangers qui ne sont ni erronés, ni falsifiés, ni mensongers, et qui correspondent à la réalité. Or « concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement ». Sur ce point la Cour de cassation censure la cour d’appel qui avait admis de tenir compte d’une « réalité juridique », indépendamment de la réalité matérielle de l’accouchement.

Civ 1 29 novembre 2017

Le changement de résidence d’une enfant est justifié dès lors que la mère a quitté la Guyane pour la métropole sans avertir le père, sans lui donner son adresse et sans lui permettre l’exercice de son droit de visite d’hébergement.

En l’espèce, la résidence d’une fillette est fixée chez la mère, le père ayant un droit de visite et d’hébergement et l’autorité parentale étant exercée en commun. Trois ans après, la mère quitte la Guyane pour la métropole, sans en avertir le père et sans lui communiquer sa nouvelle adresse, ce qu’elle ne fait que plusieurs mois plus tard. De plus, elle ne lui remet pas l’enfant aux vacances suivantes, le père étant empêché d’exercer ses droits durant plus d’un an. Ce dernier obtient alors que le changement de la résidence habituelle de l’enfant.

La cour de cassation confirme, car la mère n’a pas respecté les droits du père, ce qui est contraire à l’intérêt de l’enfant, lequel commande que soient maintenus les liens avec ses deux parents. Les juges rappellent alors deux principes essentiels : chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui – ci avec l’autre parent, tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, devant faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent.

De plus, lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend en considération, notamment l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre.

CEDH 3 octobre 2017

Dans cet arrêt, la CEDH s’est prononcée sur les conditions de détention d’un détenu, d’une part, et sur une disposition légale roumaine ne permettant qu’aux femmes condamnées, mères d’un enfant de moins d’un an, d’obtenir un report de l’exécution de leur peine de prison jusqu’au premier anniversaire de l’enfant d’autre part.

En l’espèce, un ressortissant roumain a été condamné à 7 ans de prison pour détournement de fonds. Il est incarcéré et forme une demande de report de l’exécution de sa peine sur le fondement de cet article, qui permet aux mères condamnées de demander le report de l’exécution de leur peine jusqu’au premier anniversaire de leur enfant. Sa demande est rejetée par les autorités roumaines au motif que la disposition en question est d’interprétation stricte et qu’elle ne peut pas être appliquée par analogie. Par ailleurs, le requérant dénonce ses conditions de détentions.

Si la CEDH admet à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 3 de la convention interdisant les traitements inhumains et dégradants, elle a considéré que la disposition du droit pénal roumain n’était pas discriminante. Elle juge en particulier que l’exclusion litigieuse ne constitue pas une différence de traitement et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but légitime recherché. Elle relève notamment que l’octroi aux femmes détenues de la mesure de report de l’exécution de leur peine n’était pas automatique, et que le droit pénal roumain ménage à tous les détenu, quel que fût leur sexe d’autres possibilités de demander un report de peine.

La cour considère que ces considérations peuvent constituer une base suffisante pour justifier la différence de traitement dont a fait l’objet le requérant. En effet, la maternité présente des spécificités qu’il convient de prendre en compte, parfois par des mesures de protection.